Une méthode d’optométrie comportementale française peu connue des années 1930 :
la méthode de rééducation visuelle de Georges Quertant (1894-1964)
Résumé global
L’article met en lumière une méthode française de rééducation cognitive, élaborée dans les années 1930 par Georges Quertant, musicien et pédagogue. Bien que développée indépendamment, cette méthode présente de nombreux points communs avec l’optométrie comportementale américaine, notamment celle d’Arthur Marten Skeffington.
L’auteur retrace l’origine, les principes et les fondements théoriques de la méthode Quertant, tout en la reliant aux neurosciences cognitives contemporaines.
1. Origines et contexte
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Georges Quertant (1894–1964), musicien et pédagogue, découvre que la musique peut avoir des effets thérapeutiques sur les patients atteints de troubles mentaux.
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En travaillant avec son frère médecin dans un asile, il constate que les stimulation sensorielles (musique, vision, toucher) peuvent améliorer la cognition et l’humeur.
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De cette intuition naît sa « culture psycho-sensorielle », présentée en 1935 dans son ouvrage La Culture Cérébro-Psycho-Sensorielle.
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Après que sa fille développe un strabisme bilatéral non opérable, Quertant oriente sa recherche vers la rééducation visuelle, s’appuyant sur des dispositifs optiques (stéréoscope, diploscope).
2. Principe de la méthode Quertant
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La technique repose sur la présentation à un sujet d’une « image test » composée de quatre points lumineux équidistants.
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Le patient doit corriger activement sa perception pour retrouver la symétrie de l’image — une forme primitive de neurofeedback.
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L’entraînement vise à rééquilibrer la perception visuelle et, par extension, à réguler les fonctions cérébrales, cognitives et émotionnelles.
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Les bénéfices observés concernent :
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la réduction du stress et de l’anxiété ;
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des améliorations cognitives (lecture, attention, sommeil).
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Cette approche fait écho à des techniques modernes comme l’EMDR, utilisées pour traiter les traumatismes par des stimulations visuelles bilatérales.
3. Fondements théoriques
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Quertant conçoit la vision comme un processus cognitif actif, reliant perception, motricité et émotion.
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Il postule que la vision peut être rééduquée par la volonté, anticipant les principes modernes de plasticité cérébrale.
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Il distingue clairement les troubles fonctionnels (rééducables) des atteintes organiques (médicales), ce qui lui vaut le respect du corps médical.
4. Parallèles avec l’optométrie comportementale américaine
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Arthur M. Skeffington (1890–1976), fondateur du Behavioral Optometry Movement aux États-Unis, partage des idées similaires :
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La vision est apprise (Vision is learned).
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Elle implique un ensemble de fonctions interconnectées : motricité, cognition, équilibre, langage.
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Les troubles visuels influent sur le comportement, le stress et les performances cognitives.
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Comme Quertant, Skeffington considère que des exercices visuels peuvent rééquilibrer le système nerveux autonome et réduire les troubles émotionnels.
5. Actualité neuroscientifique de la méthode
Les neurosciences cognitives modernes valident plusieurs intuitions de Quertant :
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La vision est un processus intégré, impliquant à la fois perception, motricité et cognition.
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Les mouvements oculaires influencent la perception et inversement.
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Le stress visuel et les troubles de la vision partagent des mécanismes neurovégétatifs communs.
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Les techniques de neurofeedback et les entraînements visuels favorisent une plasticité cérébrale mesurable.
Ainsi, la méthode Quertant apparaît comme un précurseur empirique des approches modernes de rééducation cognitive et visuelle.
6. Conclusion
La méthode de Georges Quertant :
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anticipe les principes de l’optométrie comportementale et des neurosciences cognitives ;
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propose une approche holistique, où la vision est liée à la cognition, à la motricité et aux émotions ;
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demeure peu connue mais suscite aujourd’hui un renouvelé intérêt pour la rééducation des troubles visuels, attentionnels et émotionnels.